Billets qui ont 'temps qui passe' comme mot-clé.

Le temps

Veille de vacances, et donc en retard, en retard. J'essaie de boucler tout ce que je peux mais tout prend trop de temps.

En parallèle, durant mes trajets, je travaille mentalement mes atterrissages. Je visualise trente secondes. 90 km/h, 25 m/s, 32 secondes pour 800 mètres, la longueur de la piste, celle de la branche arrière, par vent nul.
C'est long, 32 secondes. Je ferme les yeux, je ne compte pas mais visualise un cadran, l'aiguille des secondes qui se déplace. J'accélère toujours vers 20 secondes. «Respire, il y a le temps. Tu as le temps.» Il faut m'en convaincre.

J'ai repris les cours théoriques. Ce sont des cours en ligne, le problème est donc d'avoir du réseau tout le long de mon parcours en train.

Cours sur les cinq sens. Caractéristiques de l'œil. Je découvre l'échelle de Monoyer : 10/10e correspond à un angle de discrimination de 1 minute à 1 mètre. Ainsi donc, avoir 12/10e à un œil n'est pas une absurdité, mais une réalité quantifiable.

Le retour du chat

O. part en vacances, donc nous récupérons Charlotte pour trois semaines. Dix-huit ans, sourde, maigre, mais en bonne santé, toujours en train de râler. Elle reprend immédiatement ses marques.

Il fait très chaud.
Comment appelle-t-on les parents de la copine de votre fils? Ce ne sont pas des beaux-parents, ou bien si? Il manque beaucoup de noms pour nommer les liens de parenté.
Ils sont passés à la maison pour la première fois. Leur fils, le frère de Y., habite dans le village épicentre du tremblement de terre en Charente la semaine dernière. Ils nous ont confirmé que ça tremblait souvent, mais à peine, des frémissements (euh… entre ça et le raz-de-marée il y a quelques années, il faut fuir cette région au plus vite).

J'ai appris qu'on parlait portugais à Madère et il est possible que je fasse enfin la différence entre les Baléares et les Maldives. Oui je suis une bille en géographie vacancière. Il faut dire que je me sens peu concernée.

O. a un PC à me prêter/donner, je me rapproche de l'installation d'un simulateur à la maison (parce qu'au rythme d'une heure de leçon par semaine vingt-quatre semaines par an, ça va me prendre une éternité).

Je note ici, dans Les Travaux et les Jours: j'ai ciré les chaussures d'hiver avant de les ranger. Je pensais avoir le temps de faire un peu de couture, et puis non. Le temps passe vite à ne pas faire grand chose.

J'ai fini hier La vingt-cinquième heure (conte balkanique flippant) et il me faut choisir le livre suivant. Je feuillete la biographie de Boulgakov, organisé en trois parties suivant ses épouses successives; vérifie que je n'ai pas La garde blanche; compare les dernières pages du Maître et Marguerite dans la Pléiade et chez Robert Laffont (j'ai lu (ou imaginé) qu'il existait plusieurs versions de cette fin qui m'est très chère et j'ai toujours peur d'en découvrir une autre version que celle que j'aime); ouvre un livre d'entretiens avec Akhmatova (qui ressemble plutôt à une correspondance) et découvre à la fin du Absalom! Absalom! de Gallimard imaginaire une biographie des personnages, une chronologie et une carte. Que choisir?

5e vague, 3e dose

Il y a longtemps que j'ai perdu le compte, depuis que j'ai changé de boulot (1er mars) et que ma nouvelle boîte considère que je dois être là tous les jours (à priori je prends une journée de télétravail hebdomadaire pour les habituer, mais celle-ci disparaît souvent devant les contraintes de calendrier).

Je me souviens vaguement:
  • 20 mars 2020 - 8 mai 2020 (le jour précis est de mémoire, donc à vérifier): 1er confiement
  • fin oct - ?? (libres d'aller en famille à Noël avec couvre-feu 18 ou 19 heures - 6 personnes au plus): 2e confinement
  • avril 2021: 3e confinement, toujours avec couvre-feu
  • fin mai ou mi-juin : lever du couvre-feu.

  • J'ai perdu le compte des vagues. Je me souviens que le pass sanitaire a été mis en place le 12 juillet 2021 (ou le discours l'annonçant a eu lieu à cette date. Nous mangions un kebab à Dordives).

    Ce sera une troisième dose de vaccin.
    Entre ceux qui grommellent que ça enrichit Big Pharma et ceux qui protestent qu'on aurait pu le dire/le faire plus tôt, peu considèrent que ces vaccinations coûtent une fortune et qu'à chaque fois, justement pour ne pas enrichir Big Pharma pour le plaisir, les gouvernements (pas que la France) attendent de vérifier que c'est utile, voire indispensable.
    Et pour vérifier cela il faut des statistiques, donc du temps. Heureusement, on bénéficie aussi des résultats de nos voisins. (La mutualisation de la recherche médicale est l'un des aspects encourageant de cette pandémie. Ça fonctionne extrêmement bien.)

    Un lien qui répond à un bon nombre de questions , même si je ne comprends pas du tout les graphiques.
    Je cite : «Donc ceux qui pensent qu’on leur a menti se trompent : il est ultra classique (et normal) de modifier la posologie / le schéma de prise d’un médicament après sa commercialisation, parfois même plusieurs années plus tard. Ca s’appelle la science : nouveau data, nouvelle recommandation.»

    Vingt jours d'absence

    Vingt jours de différence, désormais il fait nuit. J'imagine la terre tourner autour du soleil tourner dans la Voie lactée tourner dans… Je n'ai pas envie de l'hiver.

    Photo le 9 août à 6h09 (un jour où le train avait du retard, un jour où le ciel était clair, ce qui n'est pas arrivé si souvent — d'où la photo ce jour là d'ailleurs) et photo de ce matin à 5h52 (train à l'heure).

    gare Moret/Loing le 6 août à 6h09 gare Moret/Loing le 31 août à 6h09

    Traces du temps - 5

    Il manque mercredi 2.
    Les feuilles sont tombées entre jeudi et vendredi. Mais il en reste.

    arbres en automne vus de la fenêtre arbres en automne vus de la fenêtre arbres en automne vus de la fenêtre
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    Déconfinement progressif : nous avons le droit de ramer, mais en bateau individuel (en double pour les personnes vivant sous le même toit). L'hiver il faut être sûr de soi: trois rameurs se sont retournés samedi, deux dimanche.
    Je constate à quel point mes cinq kilos de trop étaient en trop cet été quand j'ai repris après le premier confinement: quel plaisir de pouvoir à nouveau bouger avec fluidité.
    En revanche j'ai beaucoup perdu en forces. Dès que je recommencerai à manger quasi normalement, il va falloir que je suive des programmes de muscu (disons: de gymnastique au sol). Ça va être compliqué d'adapter la quantité de nourriture au sport effectué. Aujourd'hui j'ai l'impression que je peux vivre en ne mangeant presque rien. C'est impressionnant et très peu contentant.

    la Seine à Avon - ciel d'automne

    Traces du temps - 4

    Oublié lundi, mercredi, vendredi, et mardi j'étais à Nantes. Donc trois jours seulement cette semaine.

    arbres en automne vus de la fenêtre arbres en automne vus de la fenêtre arbres en automne vus de la fenêtre



    L'impact de la lumière est toujours aussi étonnant. Jeudi, j'ai pris une photo beaucoup plus tôt, vers 8h40, avec la lumière rasante du soleil levant.

    arbres en automne vus de la fenêtre



    Peut-être parce que Patrick a noté mardi que Jean et lui regardaient ensemble Six Feet under, j'ai relancé la série cet après-midi. C'est fou ce que je m'en souviens bien.

    Il ne reste plus beaucoup de cartons à faire. Les deux week-ends prochains devraient y suffire. Ce matin nous avons placé les meubles sur les plans. C'est la partie la plus fun. J'espère que nous n'avons rien oublié.
    Difficile de faire tenir autant d'étagères sur aussi peu de murs, surtout que le dernier étage est mansardé et que les étagères ne peuvent tenir que le long de l'arête centrale du toit.

    Traces du temps - 3

    Du 16 au 22 novembre entre neuf et dix heures du matin, hors jeudi 19.

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    Dernier train pour Busan. Une histoire de zombie pendant que je blogue. La Corée du sud ne porte pas les traders dans leur cœur. Sacrifice pour les autres ou chacun pour soi: les périodes de crise dévoilent les pulsions habituellement dissimulées — même s'il y a des indices même en périodes calmes.

    Le Marginal. Ce que je préfère, ce sont les voitures et les rues de Paris.
    L'héritier (Netflix enchaîne). Rien compris. Mais je fais autre chose en même temps.
    Peur sur la ville.

    Traces du temps - 2

    Du 9 au 15 novembre entre neuf et dix heures du matin, hors samedi 14. Les variations de couleurs en fonction de la lumière sont impressionnantes.
    Entre le 9 et le 10 il y a eu beaucoup de vent et le grand arbre de l'arrière-plan a perdu toutes ses feuilles en une nuit.
    Le 11 novembre il faisait un temps de 11 novembre.

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    Passé la journée sur mon devoir wordpress. Je ne suis pas arrivée au bout, j'ai abandonné vers minuit. Demain je demanderai un délai jusqu'à mercredi.

    Traces du temps

    Du premier au sept novembre. J'ai oublié mercredi. La première est plus terne parce qu'il n'y avait pas de soleil.

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    J'espère ne pas oublier les semaines à venir. Dernières photos.

    Mis à jour la version de PHP sur OVH toute seule comme une grande. (Il faut dire que d'habitude je me repose sur H.)

    Si vous voulez vous amuser, vous pouvez passer ce test, plus large qu'un test de personnalité. Attention, soyez au calme, la dernière partie porte sur de la logique. Le tout doit faire entre vingt et trente minutes.

    Quelque chose de bleu, quelque chose de neuf, quelque chose d’ancien

    Mon plus grand problème c'est la procrastination. Je crois que cela a commencé en sixième avec les rédactions à la maison: trop de perfectionnisme, la peur de ne pas être à la hauteur. Bien plus tard j'ai trouvé une remarque: «la première qualité d'un travail, c'est d'être terminé» (ça m'avait plu: la phrase d'un père à son fils qui peaufinait sa thèse).

    Bref, mon plus grand problème en confinement (comme en vacances, comme à chaque fois que le temps s'étend devant moi) c'est de m'y mettre.

    Quelque chose pour la maison/le jardin, quelque chose pour le boulot, quelque chose pour l'ICP.
    Et puis les blogs, le sport, l'arrosage.
    Lire un peu, regarder un film (en entier).
    Peut-être que ça fait trop. Peut-être que ça ne peut entrer dans aucune journée. Peut-être que je suis trop ambitieuse, trop affamée.

    Quelque chose pour la maison/le jardin: taillé l'herbe de la pampa,
    quelque chose pour le boulot: réécrit le PCA (plan de continuité d'activité),
    quelque chose pour l'ICP: le début de Clément d'Alexandrie (§4/27).

    Ma journée a ressemblé à une journée d'école primaire, avec des pauses récré dans le jardin. Il fait beau. Comme chaque fois que je travaille dans le jardin, je m'émerveille que les plantes transforment le soleil, la terre et l'eau en matière. Sans elles nous ne sommes rien.

    J'ai oublié de tailler l'herbe de la pampa en mars. J'espère de ne pas la faire crever en la taillant maintenant. J'ai pensé à maman qui disait qu'en avril il n'était pas trop tard pour tailler les rosiers.
    Mais l'herbe de la pampa, ce n'est pas des rosiers.
    A priori cependant, ça devrait être plus résistant.
    J'espère que ça ira.




    Deux blogs grâce à Gilda : entre café et journal et au fond du galetas.
    Un film étrange sur Mubi : Répertoire des villes disparues. Je commence Aux frontières de l'aube.

    Des meubles, un chat, des pompiers

    J'ai réussi à relancer la comtoise, mais pour combien de temps? Depuis que je l'ai déplacée fin novembre (avant le départ de O.), elle s'arrête au bout de quelques minutes ou quelques heures. Il faut mettre des cales avec art de façon à la pencher légèrement vers la droite et en arrière afin que la pesanteur soutienne exactement le mouvement du balancier.

    Marché. Trois bouquets de tulipes.

    Avant que je le dépose à la gare pour qu'il rentre «chez lui» (je ressens un pang inattendu chaque fois qu'il dit «chez moi» en parlant de son studio à Paris: comment, ce n'est plus ici, chez lui?), O. m'a aidé à replacer sur la mezzanine deux étagères et le meuble télé relégués dans le grenier (the room of requirement) depuis le premier week-end de décembre 2018… (oui, les travaux sont finis depuis mars 2019). Objectif: les laver, les remplir de DVD, avoir de nouveau de quoi regarder des films sur un grand écran et non sur un ipad.
    Mais apparemment cela ne va pas être si simple, une histoire de switch avec la box.

    En remontant l'allée pour chercher la chatte chez les voisins, nous croisons le fils des voisins qui nous dit d'un seul souffle: «on a un problème avec Enzo mais c'est pas grave, vous pouvez entrer, on a appellé les pompiers.»
    Pas grave, les pompiers? Je me retourne et effectivement, un camion rouge «18» s'est arrêté en silence au bout de l'allée.
    Nous franchissons la porte et la voisine, beaucoup plus logiquement, nous met dehors: «ce n'est pas le moment». En repartant, nous recroisons le fils, un grand gaillard, au bord des larmes, accompagné des pompiers (Enzo est son fils d'un an).

    Plus tard la voisine nous rappelle. Les pompiers ont emmené le petit-fils qui convulsait aux urgences. Nous prenons le thé en tenant notre première discussion sur les grèves depuis le début des vacances. Cela fait une semaine que nous avons très naturellement oublié le sujet. Nous récupérons notre chatte qui a passé la semaine sous les meubles du salon quand ils étaient dans le salon, sous les meubles de la chambre quand ils étaient dans la chambre.


    Le lendemain, l'enfant est toujours en observation à l'hôpital. Fièvre et bronches encombrées. Pas de diagnostic précis.

    Kairos

    Double avec Gwenaëlle, encore. Que cela fait du bien, les arbres et la Seine. Je regrette tant de ne pas avoir ramer en septembre. Temps volé, perdu, enfui à jamais. Je m'entraîne à ne plus jamais souhaiter qu'on soit plus tard (vivement le 2 vivement le 6, vivement Noël, vivement le printemps) : non non non, rien de ce qui précipite vers la fin.
    Et dans le même temps, grande envie que tout s'arrête, de ne plus être obligée de vivre laborieusement les secondes qui restent. Une paresse monumentale (acédie), juste envie de disparaîttre, là, sur place, tout de suite.
    Je rentre, tout le monde dort encore. On mange je ne sais quoi, sans aller faire le marché.

    Heidegger, le quotidien, le temps (les blogs ?)

    Je rentre, je dîne, je lis les pages d'Être et Temps et le commentaire de Jean Greisch. Et soudain j'ai l'impression qu'il parle des blogs.
    La « quotidienneté du quotidien » est un « phénomène hautement complexe » (GA, 209) qu'on ne peut pas se contenter d'aborder par une approche purement narrative. Ce n'est pas en racontant dans le menu détail ma vie quotidienne, heure par heure ou jour par jour, que j'arrive à cerner la structure existentiale de la quotidienneté ! La « négligence » de ce phénomène s'explique par le fait, lui aussi déjà évoqué (SZ §5, 16) que « ce qui est ontiquement le plus proche et le mieux connu est ontologiquement le plus lointain, le non-reconnu (SZ 43, trad. mod.). Heidegger illustre cette difficulté par le beau passage des Confessions de Saint Augustin, où celui-ci décrit ce qui est le plus proche, à savoir le moi, comme étant en même temps ce qu'il y a de plus difficile à comprendre.
    La médiocrité quotidienne n'est pas une simple « alénation » qui rendrait impossible toute compréhension de soi. Elle correspond à une manière particulière du Dasein d'être concerné par lui même (SZ 44). L'analytique ne peut pas se contenter d'évocations vagues de cette structure, elle doit au contraire viser le même degré de précision que la description de l'être authentique ! Il apparaîtra alors que la quotidienneté nous met en présence d'un « concept spécifique du temps » (GA 20, 209).

    Jean Greisch, Ontologie et temporalité. Esquisse d'une interprétation de Sein und Zeit, p.115
    Avertissement : ce billet est à lire avec le niveau de sérieux que vous déciderez.

    Obstination

    Il est très tôt et je me suis levée dans l'intention de bloguer un peu. J'ai bien entendu perdu vingt minutes sur FB. Podcasts de France Musique, Martha Argerich.
    Je me demande pourquoi je continue, pourquoi je m'obstine, alors que le résultat le plus clair que j'ai obtenu, c'est que ce que j'écris ici soit utilisé contre moi par ma famille la plus proche (d'où ma difficulté à écrire depuis un an et demi). Il ne faut pas céder, il ne faut jamais baisser les bras — parce qu'on le regrette, ensuite, bien plus tard, quand les raisons conjoncturelles qui ont fait reculer à un moment précis ont disparu. «L'important, c'est de durer» dit Obaldia quelque part dans son Exobiographie.

    D'une certaine façon, tout cela n'a pas grand chose à voir avec moi. Il s'agit de saisir le temps, d'essayer de saisir ce qui change, insensiblement (la destruction des meulières de Yerres, de la banlieue parisienne, la France en construction, partout, le style 2010, les cubes bas blancs et marrons) sous nos yeux ; cette impression qu'il ne se passe rien et que pourtant, lorsqu'on se retourne, plus rien n'est pareil ; cette impression de vivre dans un rêve, irreconstituable.
    Les romanciers populaires dont l'écriture couvre de longues années, comme Agatha Christie ou San-Antonio, rendent compte de cela. Rien ne me serre le cœur, ne me donne le vertige du temps qui passe, comme de tomber parfois, de plus en plus rarement (à Chartrettes, vers le début de la rue du faubourg St Jacques) sur une façade indiquant PTT, ou mieux, P&T : que s'est-il passé, comment se fait-il que je n'ai rien vu, y a-t-il eu une transition entre PTT et "Orange", à quel moment tout a-t-il éclaté, entre "La Poste" (c'est comme si elle ne l'était plus depuis qu'elle porte ce nom), l'organisme qui distribue les colis (colissimo, est-ce un "service" ou une entreprise ?) et la "Banque Postale" (quand les "CCP" ont-ils disparu) ?
    Bien entendu, tout cela peut être reconstitué sur internet, mais comment cela se fait-il que tout cela soit si élusif, nous fuit entre les doigts, que nous ne nous rendions compte de rien ? A quel moment le ticket de métro est-il devenu blanc ? Du jaune au vert au mauve au blanc ? (avantage : il ne tache plus s'il est oublié dans une poche avant de passer à la machine à laver).

    Tenir un blog pour essayer de rendre compte du temps, du passage du temps, de l'essence de la vie, insaisissable.
    Essayer de rendre compte du temps, "perdu d'avance", c'était le nom d'un blog, un de tous ces blogs disparus, eux aussi (en l'occurrence, il en reste — mais pourquoi ? — une trace).
    Toujours revient la fin de "La chèvre de M.Seguin": «Elle se battit toute la nuit, et au matin, le loup la mangea».

    Curieux tout de même, je m'en avise en écrivant cette phrase, que mon verset favori de la Bible soit «je ne te lâcherai pas que tu ne m'aies béni» : encore un combat jusqu'à l'aube, dont Jacob sort victorieux, lui, mais boîteux, le prix à payer — un prix peu élevé si on le rapporte à la bénédiction obtenue.

    Les grandes familles

    Journée à Saint-Brieuc. Plage. Pointe du Roselier. Cours sur itunes et Pokemon Go.

    J'écoute les récits de cousinades, de fêtes de famille quasi permanentes (il y a toujours un anniversaire à fêter et la plupart habitent dans un rayon de cent kilomètres — sauf ceux qui habitent à dix mille). Cela me fascine, j'admire et je redoute, imaginer l'organisation me fatigue, je suis décidément très flemmarde. Et puis cela paraît absorber tant de temps, que reste-t-il pour soi? (également égoïste, sans doute, ou tout au moins ressentant un fort besoin (croissant avec l'âge) de se centrer sur soi).
    Mais cela représente aussi une foultitude de souvenirs communs, de conflits à gérer, d'amitié et d'entraide. C'est une école de la vie: tous les cas qui peuvent se présenter au dehors ont déjà été vécu dans la famille.

    A-C. se plaint beaucoup du temps. Elle est là depuis quinze ans. Conversation avec ses sœurs et belles-sœurs: «— Où iras-tu quand tu seras vieille? — Dans un endroit où il fait chaud.» Mais il faut s'y faire nous sommes désormais déjà vieux (non dans nos corps ou dans nos esprits, mais dans le regard des autres; le plus amusant étant notre capacité à décrire quelqu'un de cinquante ans comme quelqu'un de très différent de nous, appartenant à un autre monde, sans prendre conscience que nous appartenons à ce groupe). Il faudrait peut-être partir tout de suite, ce serait plus sûr; ce serait toujours cela de gagné.
    Moi j'aime ce ciel changeant, j'aime les toits gris et le ciel gris et les oiseaux. Si je restais ici suffisamment longtemps, j'apprendrais la voile. Il fait doux. Longue conversation sur la terrasse à la nuit tombée en partageant un cigare.

    Rangement

    Une journée pour faire du ménage et ranger — pas eu le temps depuis que nous sommes revenus des Etats-Unis. Cela ne fait pas une journée très palpitante, sauf que cela permet de manipuler des livres, ce qui est toujours plaisant. Aurai-je un jour le temps de les lire? Pourquoi les acheter si je ne les lis pas? (Question de C.)
    Aucune idée, franchement. Quand j'achète un livre neuf, récent, je me dis que cela va soutenir, encourager, l'auteur, quand j'achète un livre d'occasion (avec souvent une pulsion presque bibliophile, avoir l'édition de l'époque, le grand format), je me dis que j'évite le pilon à l'objet.

    Je n'ai pas retrouvé le dossier de la préparation pour demain, cela me pertube: comment est-ce possible? Mon bazar n'est pas organisé, mais il est englobant: tout est là, rien n'en sort, rien ne se perd. Je revois encore ces pages, je relis les questions: les aurais-je rêvées? Je sais que je suis susceptible de rêves extrêment précis, détaillés, mais en suis-je au point de rêver l'énoncé des travaux à préparer? (Je n'y crois pas, je ne le crois pas.)

    Je commence — j'hésite à le signaler trop clairement, cela va prendre tant de temps et n'a aucune chance d'aboutir — à taguer les billets du jour où je les écris tandis que je les place au jour de leur survenance, au gré des dates rencontrées dans les livres, les factures, les cahiers: que peut donner une mémoire mitée, dans quelle mesure les objets peuvent-ils nous aider à remonter le temps?

    Rijksmuseum

    Je pensais que nous resterions jusqu'au week-end mais une réunion vendredi matin obligeait Hervé à rentrer.

    Journée (mini-journée, de midi à quatre heures, le temps de se lever puis le temps de repasser par le B&B récupérer la valise) au Rijksmuseum qui était en grande partie fermé quand nous sommes venus en janvier 2013.
    Nous retrouvons l'horloge de Maarten Baas qui fait rêver Hervé.

    Je propose pour une fois de parcourir toutes les salles "en courant", afin d'avoir une idée générale, un peu comme on feuillette un livre, plutôt que prendre notre temps dans les premières salles pour se retrouver à court de temps pour les dernières.
    Cette idée sera plus ou moins respectée, mais au moins nous commençons par le dernier étage (1900-1950) sans réussir à trouver "l'autre" troisième étage (le musée a un corps principal et deux ailes plus hautes, ce qui fait que les étages les plus hauts ne communiquent pas); nous avançons à marche forcée, retrouvons quelques vieux amis (le cygne, les Vermeer), de très belles natures mortes et des marines en grisaille, le hall principal est gigantesque, il y a des courants d'air, nous trouvons par hasard l'autre troisième étage, 1950-2000 c'est vraiment un autre monde, principalement hideux. Souvenirs des colonies, décolonisation.
    Nous passons un long moment dans la dernière pièce à essayer de comprendre un film non sous-titré sur la mise en place d'une digue dans les années 1950 ou 60: d'énormes caissons flottants sont tractés par bateau à l'entrée d'un canal puis sont coulés en les laissant s'emplir d'eau. (Impossible de trouver une vidéo sur le net, je n'ai pas les bons mots clés). C'est très impressionnant. Je me demande quelles sont les réflexions de cette ville et de ce pays sur le réchauffement climatique. Se sont-ils rapprochés des îles du Pacifique qui risquent de disparaître? En quoi les problèmes qu'ils rencontrent sont-ils différents de ceux de Venise?

    Nous redescendons, meubles, porcelaines, Renaissance. J'aime de plus en plus les objets. Je suis interloquée par le cartouche d'une sculpture de Saint Augustin: faut-il comprendre que la ville serait Hippone? Mais c'est faux, il s'agit de la cité céleste, cela me paraît évident, ce n'est pas pour rien qu'un ange souffle dessus. Est-ce que je me trompe?
    Salle des maquettes, j'adore, c'est fou ce qui a été inventé, des "chameaux" pour porter les navires trop lourds et leur permettre d'accoster au port… Magnifique.

    Librairie pour les cartes postales; comme d'habitude j'y découvre tout ce que nous n'avons pas vu (l'art oriental, Van Gogh,…) Il faudrait commencer par les librairies.
    Cafétéria du musée, cartes postales, retour à la chambre, retour à la gare, retour en Thalys, retour, retour, retour.

    Un été froid et nuageux

    Evidemment tout le monde est au courant, mais si l'année prochaine ressemble à 2003, nous aurons oublié.

    J'ai froid, j'ai froid, j'ai froid (je l'ai dit trois fois, c'est donc vrai), un gilet un poncho sur l'esplanade de La Défense (car aujourd'hui la ligne 1 ne fonctionne pas de Maillot à la Défense, il faut aller prendre le RER (je travaille au niveau de la station esplanade)).

    Et c'est ainsi, ô miracle, que je découvre la grande arche sur fond de ciel dégagé, un ciel sans nuage, est-ce possible cet été?





    (coucher de soleil : 20h50. «L'été passait, un peu moins clair chaque jour», Tony Duvert, en exergue d'Été.)

    Décapotables et pseudo barbecue

    Les points forts du jour: matinée sur une traduction d'un billet hébreu lui-même traduit en anglais sur les actions du Hamas à Gaza (j'espère ne pas m'attirer toutes les haines de la terre — je suis peut-être naïve); une visite dans un garage Volkwagen pour voir une Coccinelle (à ce que j'ai compris le nom n'est plus New Beetle en France. Le modèle est assez massif. Le concessionnaire passe un long moment avec nous, sans se presser. Je suis surprise par les options luxueuses qu'H. est prêt à mettre dans cette voiture. Evidemment, tout ce que je veux c'est une décapotable (j'imaginais plutôt un vieux modèle d'occasion, c'est plus mon genre), mais si on me propose un intérieur cuir, je ne vais pas dire non! (bref, je m'oriente de plus en plus vers une voiture de vieille peau. C'est cohérent)); un passage chez l'horloger pour récupérer la comtoise (deux mois de silence); une visite dans un garage BMW pour essayer une Mini (très agréable à conduire, mais je l'assumerais encore moins que la Coccinelle. Je suis en train de me dire qu'une simple Polo ferait l'affaire); violent orage alors que nous avons organisé un barbecue avec les voisins. Cela sèche, mais des algues microscopiques rendent la terrasse gluante, terriblement glissante et dangereuse. Nous nous replions sur l'intérieur. Soirée jusque tard dans la nuit (trois heures du matin). (Cependant la viande sera cuite au barbecue: est-ce un barbecue si nous la mangeons à l'intérieur?). L'idée d'emprunter des chèvres pour tondre le gazon s'éloigne: si Monsieur est tout à fait disposé à les prêter, Madame craint que la voiture ne les traumatise (Monsieur fut sellier-bourrelier et nous raconte l'histoire de la Harley Davidson customisée en cuir orange à franges ou celle de Monsieur délaissé par Madame qui a fait recouvrir la voiture de Madame de cuir blanc, ouvrir le toit de son pavillon, placer la voiture dans son salon grâce à une grue et refermer son toit).

    Remontée

    Partis vers onze heures, sortis à Limoge pour déjeuner. Pour le même prix qu'un plat et une boisson sur l'autoroute, mangé un couscous au Marrakech (je m'attendais à un steack limousin, mais le boucher des Halles (le marché se terminait) nous a conseillé Le Marrakech. Cela me conforte dans mon idée qu'il faut organiser des ateliers d'échange de recettes de cuisine pour favoriser l'intégration et la connaissance réciproque: si c'est bon, le reste s'efface.)

    Sortis à Châteauroux pour éviter le bouchon à venir à Vierzon et traversé la Sologne déserte vers Argent/Sauldre et Gien. Passés à Brinay, lumineuse dans la lumière d'après-midi.
    Autoroute A71 (vide), puis l'A6. Nous la quittons au sud de Fontainebleau pour prendre plein nord et éviter les bouchons indiqués par Waze. (Je détaille, ce n'est pas que ce soit passionnant, mais je me demande toujours ce qu'apprend une application comme Waze avec des conducteurs comme nous. Est-elle prévue pour apprendre des trajets, pour les proposer ensuite à d'autres?)

    Dans le salon, la comtoise s'est arrêtée: au bout de douze ans, la corde à piano qui soutenait l'un des poids a cassé. Le silence dans le salon est insoutenable.

    Fini les agapes du week-end par un gâteau au chocolat.

    Puis Tucker & Dale fightent le mal. Ça surprend toujours un peu ceux qui ne l'ont jamais vu.

    Enquête

    Les questions sont ici.

    1/ Puisque je réponds le 11 janvier 2015, la réponse est oui: j'en ai reçue une à Noël. J'ai perdu la précédente je ne sais où, à l'automne 2014, et cela m'a profondément affectée. C'était une montre achetée à Hervé en 1989 pour laquelle nous nous étions endettés. (En fait, il ne l'a pratiquement jamais portée, elle n'était pas "son genre", mais comme nous ne sortions pas ensemble depuis longtemps, je suppose qu'il n'avait pas voulu le dire. Bref, j'ai décidé de porter cette montre en avril dernier (avril 2014) après avoir perdu celle que mon père m'avait donnée en 1986 (mais pourquoi perds-je mes montres?))

    2/ Les photographies d'Edouard Levé.

    3/ Non. La peau du coccyx quand je fais de l'ergonomètre !

    4/ Quelques-unes à la main, beaucoup au clavier. Quand je suis très fatiguée, mon écriture se décompose ("m'est" pour "mais", "tant" pour "temps", et des trucs bizarres que je ne comprends pas le lendemain.)

    5/ Oui. Enfin, des gens qui me détestent (sont-ce des ennemis?)

    6/ La neige et la nuit.

    7/ Non. J'ai du bon sens, ça peut servir à l'occasion.

    8/ Je profite du manque de piquant !

    9/ Oui ! Trop courtes !

    10/ Version originale le plus souvent.

    Delphes

    Nous quittons Inoï à huit heures et demie. Nous avons une guide, Française installée en Grèce depuis trente ans.
    Dans le bus, exposés sur la pythie et sur Delphes.

    Passage dans la ville d'Arachova à 900m d'altitude. Des mûriers poussent le long de la route: la culture de la soie a été très présente au Moyen-Âge. Aujourd'hui la culture a disparu, il reste les mûriers. Les devantures présentent de façon incongrue des articles de sport d'hiver: on skie sur les flancs du Mont Parnasse. Je regrette un peu de ne pas pouvoir faire de shopping.

    Sanctuaire de Delphes (explications détaillées de la guide avec Denys en contrechant), musée — petit, avec des pièces que nous connaissons tous (je veux dire que nous les avons dans l'œil tant nous les avons rencontrées dans nos livres d'école).

    Le site archéologique a été donné en concession perpétuelle aux Français.
    A la fin du XIXe siècle, les archéologues avaient déterminé que le temple de la pythie se trouvait sous le village de Kastri mais les villageois refusaient d'abandonner leur maison. Un tremblement de terre (en 1871?) détruisit le village et la France proposa de le reconstruire à ses frais… à quelques centaines de mètres. En contrepartie elle obtint l'exclusivité des fouilles et la concession du site.

    Nous déjeunons sur la plage d'Aspra Spitia, un village entièrement construit par Péchiney, église comprise, à l'époque où ce groupe avait une aciérie à quelques kilomètres (maintenant exploitée par des Grecs et des Suédois).
    Je nage longtemps pour la première fois. On perd pied très vite, à deux ou trois mètres de la plage. L'eau est si bleue qu'il faut admettre que les cartes postales ne sont pas retouchées.

    Après Delphes, le pique-nique et la plage, deux heures d'intervention sur… je ne sais plus trop, logos et promesse, quelque chose de ce genre. Je retiens (j'écris volontairement sans reprendre mes notes) que le mystère de l'homme est le temps, qu'il n'y a pas coïncidence du commencement et de l'origine (l'exposé est donné par un prof de philo), que notre temps est désormais fabriqué par des machine (les horloges (cela me rappelle Attali, Histoires du temps)) et que la promesse est un commencement placé dans le futur.
    Interprétation intéressante du péché originel: ce qu'a acquis Adam en mangeant du fruit défendu, c'est la liberté, et comme il n'est pas envisageable que Dieu ne nous ait pas souhaité libre, et que donc Il avait sans aucun doute l'intention de nous la donner, le péché d'Adam, c'est d'avoir précéder la grâce, d'avoir pris ce qui lui aurait été offert: kairos, il ne faut ni devance, ni précéder, mais être dans le moment.

    Le retour en bus fut musclé.
    Dans l'après-midi, nous avions traversé un village dont la totalité de la population (220 personnes) avait été exécutée en représailles de l'assassinat d'un gradé allemand pendant la seconde guerre.
    La Grèce a résisté spontanément à la tentative d'invasion de Mussolini. C'était une résistance non organisée, qui donc ne pouvait pas dénoncer ses réseaux mais avait très peu de moyens. Cette résistance fut telle qu'elle obligea Hitler à intervenir et retarda d'autant son attaque de l'URSS — ce qui fit que l'hiver russe le ratrappa, etc. Plus tard tandis que je remontais de la plage à l'église avec Leonardo, il me dit que les Italiens se jugeaient responsables de l'occupation très dure de la Grèce par les Allemands, à quoi je répondis que ce qu'on nous apprenait à l'école en France, c'est que grâce ou à cause de cela, Hitler avait attaqué l'URSS trop tard: sans cela, nous serions peut-être tous en train de parler russe… (miracle et mystère de l'histoire de la culpabilité)).
    Cependant, les Allemands n'ont jamais payé de dommages de guerre à la Grèce, car à la sortie de la guerre, l'occident avait si peur qu'elle passât du côté des communistes qu'elle ne lui a pas versé un centime afin d'éviter que l'argent revienne un jour à Staline — puis il y eut la dictature, puis l'Europe… bref, tout un passé douloureux qui peut expliquer que le Grec se sente aujourd'hui deux fois floué face à l'Allemagne.

    Retour musclé disais-je: discussion entre deux jésuites, celui ne vivant pas dans le pays soutenant qu'il était fondamental que chaque Grec (chaque homme) conserve l'idée qu'il avait prise sur son destin, même de façon infime, et celui vivant en Grèce et ayant servi au JRS (service jésuite aux réfugiés) répliquant que le sentiment d'impuissance de certains étaient compréhensible et qu'on ne pouvait pas donner abstraitement des règles de comportement à des gens dont on savait qu'ils avaient faim («aujourd'hui on a faim en Grèce», mots qui me glacent).

    Au passage, j'apprends que le kyrie (se reconnaître pécheur) doit être pris dans un sens théologal et non moral, (???!!), ie. comme un constat devant Dieu (ou une instance plus haute que soi (qui doit pouvoir être sa propre conscience)) et non comme un jugement ou (et) une condamnation.

    Au dîner, comme Marc avait parlé de Taubes le premier jour et que j'ai cru reconnaître un passage sur l'eschatologie dans le bus, je l'interroge et obtiens le nom de Boyarin à ajouter à ma lente constitution d'une bibliographie.
    Concernant l'économie, il nous parle d'un jeune économiste, Gaël Giraud.

    Par ailleurs, je découvre que je pourrais connaître Marc depuis très longtemps: nous étions à Sciences-Po exactement les mêmes années. Mais il n'allait pas à l'aumônerie — tandis que c'est à cette aumônerie (où j'allais par instinct de survie, j'étais très seule et socialement déracinée dans cette école) que j'ai découvert que les jésuites existaient encore: j'en étais resté à leur expulsion de France par le roi — et c'est là également que je me suis entichée d'eux, de leur façon de concilier liberté et obéissance.

    Jacob Taubes
    Yeshayahou Leibowitz
    article de Cécile Rastoin carmélite sur le gender («Vous avez lu Judith Butler? Lisez Judith Butler.»)
    Daniel Boyarin, Border Lines (en français, c'est le sous-titre qui est traduit: La Partition du judaïsme et du christianisme)
    Agamben, Le Temps qui reste
    Badiou, Saint Paul : la fondation de l'universalisme
    Gaël Giraud et Cécile Renouard, Vingt propositions pour réformer le capitalisme
    Joseph Cedar, Footnote film qui commence par des juifs discutant de Boyarin
    Amos Gitaï, Kadosh

    Déception

    J'ai cru que nous étions vendredi soir.

    Paradoxe temporel

    J'ai quelque chose à faire pour le 10 janvier.
    Je n'ai pas commencé, ou pas vraiment, même si j'y pense depuis les vacances de Noël.
    Je sais que ce sera fait.
    Je suis tellement persuadée que ce sera fait qu'il en devient inutile de s'y mettre, puisque cela sera fait.

    Cela ressemble à Harry Potter 3, quand il explique que s'il a été capable de produire un patronus, c'est parce qu'il s'était vu produire un patronus et donc se savait capable d'en produire un: Harry produit un patronus à un instant t parce qu'il s'est vu produire ce patronus pendant qu'il s'observait à partir d'une boucle parallèle du temps?

    Sauf que chez moi cela produit un effet inverse: Harry a pu produire son patronus, moi je ne me mets pas au travail.



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    Six ans plus tard, janvier 2018, j'explique : il s'agissait du premier contrôle de connaissance de toutes les années à venir dans mon cursus de théologie. En l'occurence il s'agissait d'un oral d'histoire. Nous devions choisir un sujet qui couvrait la période du catholicisme de Luther à la Révolution. En songeant à certaines allusions lues dans L'autorité contre les lumières, j'avais choisi comme sujet "le gallicanisme". J'avais commandé un livre de Martimort, Le gallicanisme de Bossuet, que je n'ai pas pris le temps de lire (un livre magnifiquement relié sans doute dans un atelier tenu par des religieuses). J'ai saboté ma préparation d'oral. Je ne savais plus du tout travailler, m'imposer des horaires, avoir une idée de la forme, de la composition, à atteindre. Ces six ans de théologie (vus de janvier 2018) m'auront servi au moins à cela : apprendre à me mettre à travailler à temps pour rendre compte à des maîtres sérieux (par opposition à pipoter au dernier moment face à des dirigeants incompétents).

    Vingt ans

    Vu Louise. Dans vingt ans elle aura vingt ans. Moi qui avait l'impression qu'il n'y avait aucune différence entre quarante-quatre et soixante-quatre ans, je me dis maintenant qu'il y a le temps que Louise ait vingt ans.
    Merci Louise !

    Et sinon vu Hairspray en comédie musicale : «A toi la moumoute, à moi le bœuf en croûte!» Très bonnes traductions, très bons chanteurs/danseurs.

    Toutes les façons de faire dix ne sont pas égales

    — Par exemple vous pouvez positionner l'alerte dans dix jours. Attention, le logiciel compte en jours de la semaine, dix jours sept plus trois, pas cinq plus cinq. »

    Il est plus facile d'être à l'heure quand on a l'heure

    Je reporte une montre depuis une dizaine de jours. Ça change la vie, c'est tout de même beaucoup plus pratique que de passer son temps à surveiller l'ordinateur, les quais de métro, son téléphone, etc. Une montre, c'est son temps à soi, et j'ai soudain beaucoup plus de temps que lorsque je suis dans le flou, à dix minutes près.

    En octobre 2007, j'avais acheté la montre Corto Maltese en noir et blanc. Très vite, le bracelet s'est abîmé, la feuille imprimée se décollant du corps du bracelet.
    J'étais furieuse (et déçue, car cette montre me plaisait beaucoup), je l'ai rafistolé/consolidé avec du scotch, puis au lieu d'aller faire un scandale chez Swatch, j'ai arrêté de porter une montre.

    Jeudi dernier je me suis décidée à passer à la boutique du Louvre, non pour obtenir un quelconque dédommagement, mais pour acheter un bracelet normal qui tienne honnêtement son rôle de bracelet.
    Il en ressort que c'était une montre de collection, qu'elle s'est arrachée en quelques semaines, et qu'elle n'était pas destinée à être portée... (le tout expliqué très gentiment, avec embarras, voix off).
    Zut alors, ils auraient pu le dire, j'ai tout bousillé mon bracelet de collection. Si j'avais su, j'aurais acheté en même temps un bracelet solide (enfin, normal) et j'aurais procédé au remplacement dès l'achat. Après tout, je tenais à ce Corto Maltese, cela ne m'aurait pas arrêtée.

    J'ai maintenant un beau bracelet blanc et je porte à nouveau une montre. Deux montres, même, puisque le vendeur est allé jusqu'à me confier qu'il alternait entre les siennes pour les abîmer moins vite. J'alterne donc avec la Seiko que mon père a gagnée à un tournoi de tennis en 1987 et que j'utilisais jusqu'à l'achat de la swatch.


    Dans le rétroviseur

    Si le XXIe siècle commence en 2001, quand commence une décade? 2010 ou 2011?

    Hier soir encore, voulant parler de 2005, j'ai dit 1995… (J'avais bu, j'ai visualisé un cinq, j'ai dit 1995. Je ne passerai jamais vraiment l'an 2000.)

    1990: ne rien vouloir écouter et n'en faire qu'à sa tête.

    En 2000, regardant la décennie écoulée: impression d'avoir joué une bonne farce, d'avoir déjoué les malédictions et d'avoir gagné contre les oiseaux de mauvais augure. Je sais maintenant qu'en 2000 j'étais plus ou moins à bout de forces.

    En 2010 même jeu: aucun souvenir, rien vu passer. Desserré les contraintes en les refusant. Internet. RC (juin 2002). Les blogs (Matoo, janvier 2004). Constitution d'une bibliothèque camusienne. Quelques problèmes de santé graves dans mon entourage. Mort des grands-parents.

    Beaucoup de mal à imaginer les dix ans à venir, qui me paraissent beaucoup plus imprévisibles que les vingt ans précédents. Tenir. Tenir tout ce qu'on peut, le temps qu'il faut.

    La montre de ma grand-mère

    La montre de ma grand-mère date des années 30. Elle se remonte tous les soirs, à l'ancienne. Je suis bien heureuse de l'avoir récupérée (si c'est le mot), ma grand-mère s'étant persuadée que je ne voudrais pas d'une montre mécanique.
    Elle n'a qu'une idée vague de mon amour des objets qui ont une histoire.

    Le problème de la montre de ma grand-mère, c'est qu'elle retarde. Elle retarde beaucoup. Le matin, je l'avance d'une demi-heure, elle est à l'heure vers une heure de l'après-midi. Elle a environ vingt minutes de retard en début de soirée.

    De cette façon, je n'ai jamais l'heure, ou à un quart d'heure près.
    Il est prévu que je la fasse réparer, mais ça m'inquiète un peu.

    Temps réel

    Cela me rappelle les comptes à rebours à presque minuit le 31 décembre dans les films américains : dix, neuf, ...

    Rangement macabre

    Tandis que je trie les papiers contenus dans l'armoire à dossiers suspendus afin d'archiver les dossiers les plus anciens que nous ne consult(er)ons jamais ("accidents du travail 2003", "naissances" (faire-parts, lettres de félicitations, quelques dessins), "nourrice 2000"), je me dis en étiquetant les boîtes qu'elles ne seront sans doute jamais rouvertes, sans doute jetées telles quelles après nous — qu'il serait sans doute aussi sage de les jeter tout de suite mais que je n'en ai pas le courage —, et que ce sera très bien ainsi.

    Les non-anniversaires des non-événements

    Parfois je rêve de tenir le blog le plus banal possible, à base de listes de courses, de menus, de nombres de machines à laver qui ont tourné, qu'il a fallu étendre, d'heures de repassage.
    Je me souviens du jour où l'on a annoncé avec ravissement à la radio qu'on avait retrouvé les carnets d'un homme qui dans les années trente avait tenu scrupuleusement jour après jour le compte de ses dépenses: les historiens et les économistes étaient enchantés de détenir un tel témoignage sur le prix de la baguette et la note de la blanchisseuse; le journaliste avait lu quelques pages des carnets, c'était mortellement ennuyeux. Un même effroi me saisit quand Braudel évoque les livres de compte vénitiens ou allemands permettant de reconstituer les échanges entre les marchands: les conclusions m'intéressent, mais qu'il m'ennuierait de travailler sur de telles pièces.

    Je suis fascinée par l'obstination qu'il faut pour noter les gestes quotidiens, banals, infiniment répétés, qui tissent le plus clair de nos journées. Cette obstination est sans doute l'autre nom de la bêtise dénoncée par Flaubert; maintenue suffisamment longtemps avec suffisamment de précision, elle acquiert une incontestable grandeur.

    Epuiser la contrainte, seule façon de la dépasser.

    11 et 12 août

    • lundi : rien

    . Terriblement mal aux cuisses. Trop forcé hier. Je peux à peine descendre les escaliers. Cela m'impressionne, ça ne m'était jamais arrivé à ce point-là.

    . Je continue à décrire Cerisy, même si cela m'effraie et si je me sens ridicule. Ne pas penser.

    . Courses. Vérifié la présence de Play de Durex au Cora de Boussy-Saint-Antoine (je proposerais bien une enquête inter-blogs à travers la France et un repérage sur Google: cartes des grandes surfaces vendant Play.

    . Sieste avortée.

    . Equeuté les haricots verts puis terminé l'ourlet de la jupe jaune de A. en regardant Impitoyable. Etrange western. Réalisateur Clint Eastwood. Tout le film n'est qu'une longue parenthèse, commence par un arbre en ombre chinoise contre un soleil rougeoyant, termine de même. Tout le film est de guinguois, rien ne fonctionne comme il devrait. Mise en place de règles de morale et de justice dans un monde où les motivations et les mensonges des autres sont opaques: peut-on agir justement si l'on n'est pas omniscient? Tout tombe légèrement à côté, un peu trop fort sur certains innocents (mais pas tous), épargnant certains coupables (mais pas tous).
    C'est Olivier qui m'avait envoyé ce film après que je lui eus parlé de 3h10 pour Yuma. Il faut croire que je lui avais bien expliqué l'atmosphère, les deux films appartiennent à la même famille des westerns étrangement moraux, tendant à penser que la pente du bien est plus naturel que celle du mal, et que les braves types sont plus nombreux que les sombres salauds.

    . Quelques minutes d'attente, je rouvre Les Nuits attiques, parcours l'introduction. Lire, c'était presque toujours prendre des notes. (Eh oui.)

    . Le soir, réunion MoDem pour préparer des élections internes. Toujours la même envie de rire et le même plaisir à arriver dans cette petite rue de pavillons de banlieue avec le soleil couchant dans les yeux: cela ressemble tant aux rues des premiers Léo Malet, j'ai l'impression d'être dans 120 rue de la gare.
    Nous rentrons tard, agacés par tant de bavardages inefficaces. Visiblement, la plupart des personnes qui entrent en politique le font parce qu'elles ne savent que faire de leurs soirées.


    • mardi : l'Europe jusqu'à l'Oural

    . Pain perdu pour mon beau-père. Un peu raté, je n'ai pas le pain qu'il faut. Mais il est heureux de ce clin d'œil à l'enfance, et c'est l'essentiel.

    . Encore plus mal aux jambes qu'hier. Je ne peux pas descendre un escalier de face, je dois me mettre de côté, descendre une marche à la fois.

    . Le voyage de Primo Levi. Des cinéastes ont décidé de refaire en 2005 le trajet de retour de Primo Levi en 1946, d'Auschwitz à Turin, raconté dans La Trêve. Ce film est court pour un si long parcours: beaucoup de montage, de nombreux choix, une bande sonore intéressante. Le film commence sur des images de Ground Zero et énonce qu'en des temps troublés, il faut peut-être se tourner vers le passé pour comprendre le présent et prévoir l'avenir. Ce film est extrêmement monté, disais-je, partial, subjectif, mais d'autant plus humain et chaleureux. Pologne, plaques de rues, la place Ronald Reagan côtoie l'avenue Jean-Paul II, friches industrielles, extraits de L'homme de fer, interview de Wajda, une pub pour Crazyguides (je n'étais pas sûre que ce ne sois pas une plaisanterie jusqu'à il y a quelques secondes), Russie, des vaches, des kolkhozes, des routes, des forêts, des champs, des marchés et des étalages dans les rues, des statues et encore des statues, monumentales, un chanteur ukrainien mort d'avoir chanté en ukrainien, la tentation du nationalisme ukrainien, la musique des fêtes foraines ukrainiennes cinq ans plus tard — une jeunesse désœuvrée sortie tout droit de Liverpool. Chaleureuse Biélorussie dont les réalisateurs se moquent doucement, par vengeance d'avoir été suivis et encadrés par le commissaire du parti responsable de l'idéologie. La Biélorussie semble vivre heureuse et hors du temps, Primo Levi y a passé un été avec ses compagnons et a noté la bonté et la joie de cette terre et de ses habitants, soixante ans plus tard cela paraît encore vrai. En toute logique ce seront les prochains à être rattrappés par la folie occidentale, je ne leur souhaite pas. Ukraine, Tchernobyl, 50.000 personnes évacuées devant tout laisser derrière elles (et les images de l'herbe folle au milieu des grands ensembles (Tchernobyl est la catastrophe de ma jeunesse, elle m'aura marquée davantage que le 11 septembre: la chute du mur, la fin de l'appartheid, Tchernobyl, le 11 septembre, dates)); la Moldavie paraît une terre de désolation, on y regrette les kolkhozes, la terre est intégralement cultivée à la main, il n'y a pas de machine agricole. Roumanie, usine de sacs à main italiens, Hongrie, Primo Levi note qu'enfin la vieille Europe, leur Europe, apparaît devant leurs yeux, l'alphabet redevient lisible même si incompréhensible. Autriche, façade de la maison natale d'Hitler, Munich et une réunion de nationalistes allemands, Italie. Que va-t-il se passer maintenant, qu'allons-nous trouver, angoisse des revenants.
    Mario Rigoni Stern: «Cette année, je ne suis pas aller skier. Vous comprenez, à quatre-vingt ans passés, si je me casse la jambe, on me traitera d'imbécile». J'ai la surprise d'entendre des lignes que je reconnais aussitôt: en cadeau d'adieu, mon libraire m'a offert un petit livre hors commerce, Pour Primo Levi, c'est ce texte que j'entends, écrit (ou simplement publié?) après le suicide de son ami.
    Et tandis que je me souviens bien du film, j'en ai oublié la fin. Il boucle, il boucle sur la neige tombant sur Auschwitz, je crois.

    . Les affiches du cinéma du Reflet. J'ai raté A History of Violence, Parfum de femme a l'air intéressant, je ne sais pas si j'aurai le courage d'aller voir Aguirre, la colère de Dieu. Librairie la Compagnie, je n'ouvre aucun livre, suf Le jardin des Finzi-Contini dont je relis les trois dernières pages. Je passe devant le Collège de France, le tabac est fermé, je monte vers "la cantine", passe dans rue de l'école polytechnique, renonce à acheter des cigarettes, renonce devant la carte du bistrot, retourne au Russe de la rue de l'école polytechnique.

    . Bortsch, raviolis, verre de vin. Je lis Salceda.
    En face de moi, deux vieilles dames ont sympathisé. L'une parle russe, l'autre moins bien. L'une habite dans les environs de Versaille, l'autre rue de Crimée. La première prend avantage sur l'autre, décrit ses voyages, son apprentissage de la langue («Du bortsch, il y en a partout, mais ils sont très différents. J'en ai mangé en Sibérie, c'était autre chose!» Elle rit.) La seconde parle cinéma, évoque Ballerina, qui passe actuellement au Reflet, la première n'admet qu'au bout de quelques minutes qu'elle ne va jamais au cinéma. Elle part. La serveuse apporte à la première ce qui ressemble à une plaquette de beurre, enveloppée dans du papier argenté. C'est de la glace ou de la crème entourée de deux gaufrettes.
    Une autre table m'est cachée en grande partie. Un homme, une femme qui doit avoir soixante-dix ans puisque sa mère, en face, en a au moins quatre-vingt-dix. Je ne vois que le dos de la fille, son chignon, ses beaux cheveux d'un blond cendré. Il faudra retrouver cette couleur quand je ferai teindre mes cheveux. La mère a un très petit visage, des yeux incommodants à force d'être bleus, une auréole de cheveux très blancs. Elle est sourde mais conserve sa vivacité d'esprit. La fille parle: «Balbina était... Tu aurais aimé Balbina... Elle m'a beaucoup influencée... Sa grande maison... La Giudecca... c'est comme Prague... villes-musées...». Je pense à Hannah Arendt, à sa réflexion à propos de Rosa Luxembourg: seuls les Juifs des années trente auront été véritablement européens, de par leur multi-culturalisme et leur maîtrise de trois à quatre langues.
    Une troisième table est occupée par deux hommes d'affaire. Le blond saluera la serveuse en russe en partant. C'est un restaurant qui ne paie pas de mine, avec une carte très simple, visiblement apprécié de ceux qui veulent retrouver un peu du pays.
    Je songe. Peut-être faut-il adopter le point de vue de ces westerns étranges, peut-être faut-il abandonner cette idée d'entropie, de malheur, de déchéance, de désagrégation toujours en marche, et penser que la pente naturelle de l'homme est de chercher la paix, la joie et une certaine civilisation. Peut-être.

    . Retour à la maison. H. a trié le placard de O., jeté (seule façon de ranger, à mon avis), remis les étagères et le bureau dans la chambre. Il lui propose le grand lit à la place du sien, O. est enchanté.
    Je range un peu le dernier étage, tâche sans fin; pour une raison incompréhensible il faut toujours tout réorganiser (me voilà avec une pile de draps une place à devoir ranger. Je vais faire un échange avec les draps en lin de ma grand-mère actuellement dans un carton (j'ai tant de ces draps qu'ils ne tiennent pas tous dans mes armoires)). Et où va-t-on mettre ce matelas? Nous voilà avec deux lits superposés à donner ou à vendre.
    Je monte et descends des livres, reclasse des étagères. J'ouvre des livres, je suis agréablement surprise par quelques notes jetées sur un post-it en début de Comment j'ai écrit certains de mes livres, je parcours un numéro des Cahiers du Chemin (1971), tout était déjà là, et le sommaire du numéro de Formules qui représente les actes du colloque de 2001. Que faisais-je en 2001 durant l'été? Ma grand-mère venait de mourir, j'ai commencé un régime draconien, les tours étaient encore debout, j'étais encore à Sérénis, je ne lisais pas encore Renaud Camus.

    . Mes beaux-parents s'en vont. Il est 22 heures. J'écris.

    Un regard vers l'infini.

    En remontant le temps, nos télescopes les plus puissants rencontrent donc un mur, situés environ 380 000 ans après le Big Bang. De cette «année 380 000», nous percevons cependant un rayonnement, le rayonnement fossile, […]. Ce rayonnement nous donne la plus vieille image de l'univers que nous puissions ''voir'' — façon de parler puisque nous la captons à l'aide de radiotélescopes portés à bord de satellites spatiaux tels que COBE et WMAP. […] Nos postes de télévision qui sont sensibles aux ondes radio peuvent ainsi détecter une partie de ce rayonnement fossile. Environ 1% de la «neige» que vous voyez sur votre écran de télévision quand la station cesse d'émettre est due à ces photons fossiles de l'époque primitive. Vous pouvez vous dire que vous observez le commencement de l'univers avec votre poste de télévision!

    Le Monde s'est-il créé tout seul?, entretien avec Trinh Xuan Thuan, p.30
    Mon écran cathodique est en train de mourir. Il n'est pas tout à fait mort mais on parle déjà de le remplacer. Je n'en avais pas beaucoup envie, je n'en ai plus du tout envie.

    Revelé dans les blogs de veille (veille sur la veille, donc)

    • Les requêtes du Google français, pour le plaisir de la carte (quand je pense que certains à qui je m'adresse en entreprise considèrent que personne n'utilise le net, que c'est totalement un mouvement parisien réservé à des geeks, des journalistes, des ados, des célibataires en manque, et quand même, pratique pour préparer ses vacances).
    • Je suppose que tout le monde connaît Digimind, d'un autre côté, je sais que j'ai tort de supposer cela. Je signale donc le livre blanc de Christophe Asselin sur le web 2.0 et la recherche d'information (l'inscription pour le télécharger est gratuite).
    • Dans ce blog, tout m'intéresse. A noter la question dévastatrice du Time du 1er décembre 2007, «Pouvez-vous nommer un seul artiste français encore en vie qui ait une importance mondiale ?», qui reprend exactement les observations de Renaud Camus (qui décidément est toujours en train de dire ce que personne ne veut entendre).
    • La méthode Getting things done (GTD), si terriblement américaine, résumée en français (j'adore décidément les livres de self-help, même si j'ai arrêté de lire des variations de "Comment gérer votre temps" en me disant que cela ferait toujours gagner ce temps-là de lecture).
    • Pour mes (deux) lecteurs qui s'intéressent à la Russie (la Russie m'inquiète), un billet sur la main-mise ou le risque de main-mise ou la probabilité de main-mise du pouvoir russe sur la toile russe (petit détour par le scandale de la Bank of New York).
    • Un billet triste à propos de la réforme des universités, contre la réforme des universités, que je reprends ici en vous encourageant à lire quelques billets des jours précédents. Je pense à H. qui me dit toujours que les meilleurs informaticiens sont les docteurs qui sortent d'université et non les ingénieurs (H. est ingénieur).
    • Un portail avec les outils de recherche sur internet les plus courants sous la main (simple, clair, sans fioriture).

    Ah, et puis, pas sur un site de veille, mais à ne pas manquer

    Une manifestation sans chemise que je vais regarder quand j'ai besoin de me remonter le moral. (Merci Melisme!) (Dans le reste du site, une autre idée amusante: le métro sans pantalon). Tout cela me rappelle les Flashmobs.

    La plus blâmable

    Fais-le, mon cher Lucilius: revendique tes droits sur toi-même, et le temps qui, jusqu'à présent, t'étais enlevé, soutiré, ou qui t'échappait, ressisis-le et ménage-le. Sois convaincu qu'il s'en va comme je l'écris: il est des instants qu'on nous arrache, il en est qu'on nous escamote, il en est qui nous filent entre les doigts. La plus blâmable est la perte par négligence. Aussi, si tu veux bien y prêter attention, la plus grande partie de la vie se passe à mal faire, une large part à ne rien faire, la totalité à faire autre chose que ce qu'on devrait.

    Sénèque, Lettres à Lucilius, début de la lettre I. traduction de P. Guisard, Bréal éditions.

    C'est la faute à Embruns. C'est à cause de lui que j'ai perdu mon temps à jouer à splash.

    Un bal de têtes

    Fêté les 40 ans de O.
    Constaté une fois de plus que les visages et les corps sont le plus sûr signe du temps qui passe, puisque nous avons revu beaucoup d'inconnus rencontrés pour la dernière fois lors des 30 ans de O.

    Il y a dix ans, nous étions les seuls à avoir des enfants et nous n'en parlions pas, parce que ce n'est pas un sujet de conversation et que nous voulions avant tout oublier les soucis quotidiens lorsque nous étions en soirée. Dix ans plus tard, tous les autres ont des enfants entre zéro et cinq ans, qu'ils amènent en soirée et qui deviennent l'unique point de polarisation. Forts de notre expérience, nous repérons d'un coup d'œil les trois ou quatre solutions qui règleraient quelques dysfonctionnements mais prudents nous nous taisons.

    Nous rions avec effroi lorsque O. déclare à un blondinet de cinq ans pendu à son cou: «Quand tu auras quarante ans, c'est toi qui me porteras.»

    Appris incidemment que j'écrivais probablement en LISP sans le savoir: lot of insipide and stupid parenthesis (ce qui ne fera rire que les geeks, mais comme il ne doit pas en traîner ici, ceci est une parenthèse stupide de plus (CQFD)).

    Et pour Didier the Banished, une devinette: si les garçons jouent à Dongeons et dragons, à quoi jouent les filles ?

    La comtoise

    Une fois à la retraite, mon grand-père répara la comtoise du salon. Il était le seul à avoir droit de la remonter, le seul d'ailleurs à savoir où était la clé.
    Quand mon grand-père est mort, il n'y a eu plus personne pour remonter la comtoise. Ma grand-mère était sourde, elle ne s'en rendait pas compte, cela ne lui manquait pas. Quant à moi, le silence du salon me frappait chaque fois au cœur.
    Je n'ai jamais osé demander où était la clé pour remonter la pendule. La mort de mon grand-père fut le silence des horloges.
    Quand ma grand-mère est morte, mon oncle, de par son droit d'aînesse, emporta la comtoise. Avec la petite somme d'argent tirée de l'héritage que mon père me donna, j'ai acheté une comtoise.
    Je ne supporte pas qu'elle s'arrête.

    Le six juin 2006 à 6 heures 06

    Merci à Gvgvsse, à son 16935e jour, qui a attiré mon attention sur cette conjonction.

    Village Voice

    Kick Back de Val Mc Dermid. La date est noté sur la premeière page. 55 francs

    Aujourd'hui 8 janvier 2016, je vais me débarrasser de ce livre par manque de place.
    Aujourd'hui 8 janvier 2016, la librairie Village Voice a disparu depuis deux ou trois ans. C'était une librairie étrange: je savais à peu près où elle était, mais jamais exactement, et j'errais dans les rues adjacentes jusqu'à trouver sa devanture bleue qui se dérobait toujours. C'était Patrick qui me l'avait fait découvrir du temps où nous allions déjeuner au RU de Mabillon (le pire RU de Paris à l'époque). Je n'étais pas très à l'aise à l'intérieur, elle était trop léchée, je ne me sentais pas assez riche.
    Et voilà, elle n'existe plus.

    Quand à Val Mc Dermid, c'était, à l'époque de l'achat, ma tentative de reconstituer le petit miracle de ma découverte de Reginald Hill. Tentative infructueuse, avouons-le. Je vais abandonner ce livre dans le métro sans regret.

    Ce billet est le premier des billets d'une tentative systématique de reconstitution du temps perdu à partir des dates que je peux retrouver, dans les livres, les tickets de cinéma, les factures, les dates de fêtes de famille, etc.
    Je tente une reconstitution à partir de faits bruts. Peut-être sera-t-il possible d'amalgamer un peu de chair autour de ces indices.

    Juillet 96. Ma fille n'a pas un an. J'ai négocié mon départ de G** en mars ou avril, je cherche du travail sans me presser. Je cherche dans les boîtes d'intérim, je n'ai pas envie de m'engager, j'ai envie de voir ce qui est possible. Mes deux premières expériences professionnelles ont été très désagréables.
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